1 à la maison
Je suis à la fenêtre, je décompresse, je rêve. Là bas, à l’horizon, le temps clair d’aujourd’hui me permet de distinguer le Mont Blanc qui resplendit sous le soleil. J ai l’impression que de la main je vais le toucher, je m’y transporte par l’esprit, je me vois sur une arête, mon piolet à la main, mes pas qui crissent sur la neige … Quelle sensation agréable cette, « déportation »…
Soudain un “crissssssss » puissant, le bruit d’un coup de frein, brutalement me tire de ma rêverie. là, devant moi, au STOP un bambin imprudent, vient d’éviter de justesse une voiture . Hurlement de la mère, puis baisers fous pour décompresser sa frayeur.
C’en est fini de ma rêverie .Je ferme ma fenêtre, Tiens, les Cyclamen ont soif, je vais les arroser.Z
2 dans le passé
J’ai 12 ans, ma sœur et mon frère sous ma garde, responsabilité octroyée par notre mère qui est partie s’approvisionner au marché du jeudi.
Cheftaine en grand, vraie commandante, j’applique ma loi et les punis pour ne m’avoir obéi de suite ;
la sanction est cruelle : je les ferme à clé, et descend dans le jardin jouer.
Là, après quelques tours de marelle, soudain des cris à la fenêtre du 3ieme étage : les jambes pendantes, protégés par une rambarde légère, les voici qui s’agitent et vocifèrent à qui mieux- mieux. Ils ameutent tous les voisins.
Sur ces entrefaites, ma mère revient du marché, gros mensonge de ma part, je lui dis que j’’ai perdu la clé en jouant dans le jardin. Et voici ma pauvre maman qui scrute le potager en vain sous la pluie qui s’est mise à tomber !
Un voisin doit casser le galandage pour libérer ma fratrie en danger !
La clé, je l’avais jetée dans l’égout. A ce jour je me demande encore pourquoi j’ai fait cela. Et lorsque que je passe dans cette rue de mon enfance, la fenêtre la haut, entourée de lierre maintenant, me nargue.. Mais ai-je du remord ?
3 en ville
Je suis à la médiathèque, un déluge m’empêche de sortir pour aller faire le tour des magasins en attendant mon bus.
Bien campée sur mes deux jambes je contemple la place.
Il pleut à verse, et la pluie en rafale s’abat sur la vitre qui me protège. J’en relève mon col instinctivement.
Des gamins malicieux pataugent dans les flaques et reçoivent quelques claques pour leur témérité.
Le vent qui s’emmêle à l’averse tourne les parapluies et mouille les brushings.
Un ciré noir coure sous un chapeau ciré noir, et va je ne sais où, est-ce un homme, une femme?
Ses bottes, je l'imagine, font flip-flop.
Prisonnière de la pluie, je savoure ma quiétude entourée de tant de livres....&
4 dans le train
Au ralenti, dans cette avant gare lugubre, mon train manœuvre et en croise un autre identique, Deux trains qui gémissent sur des rails opposées. Deux conducteurs conduisant avec lenteur leur engin de puissance.
Le nez collé à la fenêtre, j’ai le temps de voir, d’autres voyageurs semblables, la seule chose qui nous différencie c’est que nous sommes en sens inverse, mais mêmes regards hagards et las dans cette heure de rentrée.
Une jeune fille s’applique sur un livre qui semble la captiver, la tête calée sur la vitre.
Un jeune blondinet scande un air en tapant des mains, les écouteurs d’un MP 3 rivés à ses oreilles.
Deux amoureux, sûrement seuls au monde, s’embrassent lascivement. Sous le regard étonné d’un chauve qui inspecte ses narines.
Un jeune adolescent mastique un chewing-gum, en éclatant des bulles.
Et moi, j’attends qu’enfin le train entre en gare pour clore la journée dans le calme d’une maison bien chaude.B
5 sensation à travers
Mes verres de myope, $ quel ravissement ! grâce à eux, ce pin immense transparent, les bras sans fin, offerts au soleil couchant, surement son écorce rugueuse, et sa sève à l’ odeur de térébenthine, mes oreilles attentives, à l’écoute du bruissement des branches, mes narines ouvertes aux exhalations de senteurs suaves.
Plaisir des yeux, de l’écoute, sensation du toucher, du flair, peut être des pignons pour le plaisir de la bouche ?
Nature irremplaçable
sur une proposition de Domie ateliers bricoleurs de mots mercredi 6 novembre 2013