Un soir d’orage, c’est souvent ainsi que commence une histoire,quelle soit d’amour, d’aventure, de rencontre.
Et je ne dérogeais pas à la coutume, un certain soir d’orage.
Je sortais du travail, l’esprit vidé par une journée pénible.
Ma voiture, garée le matin même à l’emplacement habituel avait disparue.
Je donnais quelques coups de bip à la volée, au cas où je l’aurais casée ailleurs, mais aucun, « clac-clac » ne répondit. Les voitures présentes ici étaient celles de mes co-équipiers tous partis la veille par avion, j’étais l’unique personne sur le site.
Je dû me résoudre à accepter l’évidence : je n’avais plus de voiture !
Pressée comme à l’accoutumée, je devais vite trouver une solution, d’autant plus que le ciel s’assombrissait, un orage menaçait.
Mon portable, qui de la journée n’avait pas, lui non plus, chômé, refusa de me donner son accès dès le premier numéro : la batterie était en panne Je l’avais bien remarqué et comptais la recharger en roulant.
Sang froid, respiration ventrale me dis-je, pas de panique.
Il était 20 heures, et dans cette zone industrielle, plus rien n’était éclairé, seuls quelques lampadaires rappelaient qu’on était sur terre, tant le lieu était désertique.
Calcul rapide dans ma tête : à pieds (avec des talons hauts) et à environ 8 kilomètres de tout point de vie, il me fallait ….quelques grands moments pour parcourir la distance qui me ramènerait à bon port..
Prenant mon courage et mes escarpins à deux mains, je partis pieds nus pour faciliter la tâche.
Bonne marcheuse, les premiers km s'effectuèrent sans trop de peine, mais les cailloux se faisaient cependant cruellement sentir.
Je chantais à tue-tête « un kilomètre à pied… », Mais au bout d’un moment le refrain devint monotone, et je passais en revue les moments de ma journée
Quelques gouttes d’eau commencèrent à tomber, la soirée était prometteuse, pleine de surprise comme je les aime, mais là, ça commençait à bien faire, et mon brushing alors ai-je pensé, les collants déchirés en plus, sans parler de la voiture avec les assurances allez savoir … cela allait me couter cher tout cette odyssée. Réflexions matérialistes qui désamorçaient mon angoisse. J’essayais, bien sûr, de ne pas prendre trop au sérieux ces désagréments
Mais la méthode Coué a ses limites, et exaspérée, je le devenais de plus en plus.
Un éclair fendit le ciel et le tonnerre vrombit. La nuit s’était confortablement installée, j’avançais à la lumière que la foudre voulait bien me fournir, cependant cela devenait sérieux, je risquais d’être foudroyée. Je devais m’arrêter.
La frousse commençait à me reconquerir.
Une nouvelle décharge intense, accompagnée aussitôt d’un coup de tonnere s’abattit, et j’eu le temps d’apercevoir une borie au milieu des vignes.
Escaladant le talus je m’en approchais. J’entendis des bruits bizarres qui accentuèrent ma peur, une forme bondit sur moi, et me terrassa.
J’étais au bord de la crise de nerfs.
Mais soudain, cette forme me léchât, et je compris qu’il s’agissait d’un chien, surpris autant que moi, mais apparemment pas très féroce.
Je poussais complètement le bois qui servait de porte à cette cabanne et entrais me mettre à l’abri, et là quelle ne fut pas ma surprise, une chienne allongée, se léchant l’abdomen, avait toutes les apparences d’une future maman : elle allait mettre bas, un lit de fortune creusé dans le sol lui servait de couche. Elle gémissait, et m’implorait du regard, c’est que je pouvais voir lorsque les éclairs illuminaient le ciel.
Sachant que je ne pouvais pas l’aider, je me mis cependant à lui parler doucement, puis j’entendis des vagissements, elle mit bas plusieurs chiots, je ne distinguant pas grand-chose,mais supputais ce qui se passait.
Cette sinistre soirée avait eu ceci de bon, c’est que je me suis sentie utile à cette chienne, en ce moment précis.
Je ne sais pas si les chiens ont la mémoire des choses, mais cet épisode restera toujours ancré au fond de moi comme un pur moment de bonheur.
L’orage cessa enfin, et la lune sereine, pour moi la bienvenue, m’éclaira la route. Presque arrivée au bout, j’entendis la voiture des gardiens surveillants de nuit se rendant à leur travail. Ils eurent la gentillesse de me ramener chez moi.
Le lendemain je retournais vers la Borie, et trouvais le maitre du chien et de la chienne, il me dit que celle-ci avait coutume de venir, accompagnée de son compagnon, mettre bas ses chiots en ce lieu. Lorsque je lui racontais mon histoire, il en fût ému, et me proposa d’en adopter un.
Depuis « Soir d’orage » un beau bâtard, me suit partout, et dans mon sac j’ai toujours une paire de ballerines et une lampe à recharge solaire.
JAK pur Mille et une semaine 9